Le 21 février, après un bombardement sans précédent, de l'aube à 16h 15, heure allemande (en avance d'une heure par rapport à l'heure française), les forces allemandes fortes de 80.000 hommes s'élancent sur la rive droite à l'assaut des positions françaises, certaines de ne plus trouver aucun obstacle après un tel déluge de feu. Très rapidement, elles s'emparent du bois de Consenvoye et du bois de Ville, s'infiltrent en direction d'Haumont et prennent à revers ce qui reste des points de résistance du bois des Caures et du village d'Haumont, où les 2 bataillons de chasseurs du lieutenant-colonel Driant, qui occupent les positions du bois des Caures, résistent pendant plus d'un jour et demi.
Les 22 et 23 février, la progression allemande se poursuit lentement mais inexorablement. Les troupes françaises, exténuées, tiennent toujours les villages de Beaumont, Louvemont et Bezonvaux où au loin se devine la masse du fort de Douaumont. Le 24 février, toutes les contre-attaques françaises sont arrêtées par l'artillerie allemande. La situation devient extrêmement critique. De la Meuse à Douaumont, les Allemands occupent les 2e lignes françaises. Cette nouvelle avance, qui ouvre la route vers Verdun, met aussi en danger les positions françaises de la Woëvre dont la perte fragiliserait l'ensemble du système défensif des Hauts de Meuse. Joffre, informé continuellement de la gravité de la situation, approuve à ce moment l'abandon des positions de la Woëvre mais ordonne de tenir coûte que coûte sur la rive droite face au nord entre Meuse et Woëvre et d'engager immédiatement le 20è corps. Il faut, quoi qu'il en coûte, sauver Verdun dont la chute représenterait une grave atteinte morale, mais aussi une perte de prestige face aux Alliés.
En prenant cette décision, Joffre imagine-t-il l'ampleur du sacrifice qu'il demande aux soldats, qui vont très vite eux-mêmes parler de "l'enfer de Verdun". Pendant 5 jours, de faibles effectifs vont contenir l'avance ennemie, permettant de gagner du temps, d'amener des renforts et d'amorcer la défense de Verdun sur la rive droite. A partir de ce moment, se précise déjà ce que l'histoire appellera "la bataille d'usure."
Le 25 février vers midi, sous la pression ennemie, les troupes françaises, menacées, décrochent en direction du fort de Douaumont et s'écoulent à sa gauche et à sa droite, le démasquant complètement vers 15h00. De plus, si un ordre du commandant du XXXè corps avait bien prescrit d'occuper le fort, il n'a pas encore été exécuté. Le fort, comme la plupart de ceux de la région fortifiée, n'a plus de garnison permanente et est entièrement désarme. Il ne subsiste que deux tourelles de 155 et de 75, servies par une quarantaine d'artilleurs territoriaux. Le fort avait également souffert du bombardement; son pont-levis ne pouvait plus se lever, et de nombreuses ouvertures étaient brisées. C'est alors que les 12e et 24e Brandebourgeois se portent vers Douaumont. Après quelques tentatives, ils l'investissent par une brèche faite dans les fossés Est. Il n'y a aucune résistance du côté français. A l'aube, cinq énergiques contre-attaques françaises se succèdent mais ne parviennent pas à reprendre le fort, alors que la nouvelle de sa reprise est déjà annoncée par un communiqué français. Les jours suivants, les combats acharnés se poursuivent aux abords du fort et dans les ruines du village de Douaumont que l'ennemi enlève le 4 mars. Mais l'épuisement est tel que peu à peu l'avance ennemie s'essouffle. La masse de choc allemande est alors en grande partie dépensée sans que le but de l'attaque brusquée ait été atteint.
Le 25 février le général de Castelnau, qui a reçu les pleins pouvoirs du général Joffre, confie au général Pétain le commandement de la région fortifiée de Verdun et des forces arrivant sur les deux rives. A peine arrivé à son nouveau quartier général de Souilly, à 20 km de Verdun, le général Pétain s'applique à créer les moyens organiques nécessaires à la bataille.
Les premières mesures prises concernent les forts. Ils devenaient les môles principaux de la résistance. Chaque fort reçoit un commandement et une garnison propres et des réserves matérielles importantes avec interdiction absolue d'abandonner l'ouvrage en cas d'attaque ennemie.
Ensuite, Pétain mobilise l'artillerie qui doit, en concentrant ses tirs sur les positions ennemies, soulager l'infanterie, mais assurer aussi un rôle défensif en écrasant les attaques de l'adversaire. Durant toute la bataille de Verdun, Pétain ne cesse de répéter: "Il faut que l'artillerie donne à l'infanterie l'impression qu'elle la soutient et qu'elle n'est pas dominée". Une autre importante mesure prise par Pétain est la mise en place des transports logistiques et l'acheminement du ravitaillement.
Après l'attaque du 21 février, l'avance importante des troupes allemandes et la perte du fort de Douaumont, la défense française s'organise et se renforce avec l'arrivée de Pétain à la tête de la 2e armée. Les Allemands sont nettement arrêtés sur leur front offensif par la résistance française, ils subissent aussi de nombreuses pertes occasionnées par l'artillerie française installée sur la rive gauche de la Meuse. Le Kronprinz décide alors d'étendre son effort offensif sur cette même rive gauche.
Début mars les Allemands étendent les combats sur les 2 rives de la Meuse, et ceux-ci, d'une violence jamais égalée jusqu'alors, mêlent en attaques et contre-attaques permanentes les deux adversaires.
Face à la résistance française, tenace et héroïque,: l'ennemi déclenche un nouveau coup de boutoir sur les deux rives de la Meuse. Le secteur est particulièrement disputé.
Poursuivre la guerre impose au pays de se doter des moyens de le faire. La création de la Croix de guerre, l'héroisation du soldat visent ainsi à maintenir la santé morale de la Nation. Dès août 1914, la propagande alliée se met en place, fustigeant vigoureusement les armées allemandes, Guillaume II et le régime impérial.
Toute une production artistique voit le jour, traitant essentiellement par l'image les thèmes les plus noirs, avec pour dénominateur commun la "barbarie allemande", la folie sanglante du Kaiser et de son fils, les crimes et les atrocités en région occupée. Dans le même temps, les mêmes artiste héroïsent le combattant français, mettent en valeur les efforts de l'arrière et exaltent l'acte patriotique.
Elle prennent de l'importance à partir de 1915, avec la mise en place du système des permissions, et particulièrement à l'intention des soldats mobilisés dont les familles se trouvent de l'autre côté des lignes, dans la zone occupée. Au-delà du mythe de la "marraine" ce sont avant tout des lettres, des colis, et des douceurs: un "foyer" pour beaucoup de ceux qui sont sans nouvelles des leurs.
Pour la seule année 1916: 677.891 soldats français seront blessés, 899.310 tomberont malades. Très vite, il devient essentiel d'organiser les secours et de mettre en place les différentes infrastructures, sous l'autorité d'un sous-secrétaire d'État: le parlementaire Justin Sodart. Ainsi, bousculant les idées préconçues et les règlements désuets, les services sanitaires vont s'adapter à des situations que personne n'avait soupçonnées. Les progrès et les découvertes réalisés sont révolutionnaires. L'initiative privée, elle aussi, fait des prodiges, sous l'impulsion de la Croix Rouge et des sociétés de soins aux blessés. En chirurgie des progrès considérables sont réalisés avec la création des "autochirs" (autos chirurgicales), puis des équipes chirurgicales mobiles ; dotées des moyens puissants: de la technique moderne: arsenal chirurgical, radiographie, stérilisation, laboratoire de bactériologie. A l'échelon régimentaire ou divisionnaire, brancardiers: et infirmiers transportent et soignent les blessés au poste de secours à l'ambulance ou à l'hôpital de campagne, avant l'évacuation vers la zone de l'intérieur. Peu à peu les moyens sont complétés, les sections sanitaires automobiles sont multipliées et assurent en quelques heures le transport des blessés vers les hôpitaux d'évacuation. Sur les trains sanitaires un effort semblable est fourni. On s'attache également aux moyens moraux pour mettre en confiance blessés et malades et leur donner le sentiment que de gros efforts sont faits. Les officiers généraux viennent en personne visiter les hommes distribuant récompenses et trouvant un mot pour chacun. En tout état de cause le plus important est de rétablir rapidement et correctement le blessé, afin qu'il puisse reprendre au plus vite sa place au front.
L'obligation essentielle pour continuer la bataille reste la mise en place des transports logistiques et des moyens de ravitaillement. La route départementale de Bar-le-Duc à Verdun, puisqu'elle était le principal axe de communication entre Verdun et l'arrière, va, à la suite d'un, article de Maurice Barrès, devenir "la Voie sacrée". Pour ne pas interrompre la "noria" des 2.900 camions y circulant journellement dans les deux sens, Pétain fait ouvrir des carrières le long de la route, et des équipes de territoriaux et d'auxiliaires indochinois jettent sans cesse des pelletées de pierres sous les roues des véhicules qui se succèdent parfois jusque toutes les cinq secondes.
Le ravitaillement de Verdun par la voie sacrée fut une entreprise gigantesque, car les 300 officiers, 8.000 hommes, 2.000 voitures, 200 autobus, 800 autos ambulances de la Commission Régulatrice Automobile transportèrent en moyenne chaque jour 13.000 combattants, 6.400 tonnes de matériels, 1.500 tonnes de munitions, consommant 2 tonnes de graisse, 20.000 litres d'huile et 200.000 litres de carburant. De son côté, le petit chemin de fer, le "Meusien," ravitailla aussi la 2e armée. La gare régulatrice de Saint-Dizier expédia quotidiennement sur Verdun 21 trains de vivres, 7 de munitions, 9 de matériels, 2 de troupes, évacuant aussi 5 à 7 trains de blessés. Au total, du 21 février au 1er juin, l'ensemble du trafic s'éleva à 119.000 wagons.
Une défense tenace et héroïque
La nouvelle offensive allemande du 9 avril est précédée d'un déluge d'artillerie encore plus violent que les précédents. Mais les Français résistent et tiennent toujours. Le soir, le général Pétain lance son ordre du Jour historique: "on les aura".
Le 10 avril est une véritable journée de crise mais la résistance française retient sur l'ensemble du front la poussée allemande.
Ce succès, contre toute logique arithmétique, cet équilibre assaillants-assaillis, est dû particulièrement à l'efficace rendement de la route départementale Bar-le-Duc-Verdun, et à la voie ferrée du petit Meusien qui apportent journellement leur contribution au maintien de cet équilibre précaire.
A partir de cette date, l'attitude des troupes françaises, va devenir de plus en plus mordante, et c'est constamment que les ripostes et les contre-offensives françaises vont contrarier les efforts allemands.
Malgré cette réussite, le commandement du général Pétain n'est pas entièrement apprécié, et Joffre l'éloigne de ce champ de bataille très particulier et symbolique en lui confiant le commandement supérieur du groupe d'armées du centre. C'est donc le jeune général Nivelle, qui vient de faire brillamment ses preuves à la défense du secteur de Froideterre, Fleury, Thiaumont, qui remplace Pétain à la tête de la 2e armée.
En 1914, le financement de la guerre ne devait pas poser de difficultés dans la mesure où le conflit était censé être bref. Toutefois, de 5 milliards de "francs-or" avant guerre, les dépenses de l'état passent rapidement à 38 milliards. Les impôts vont être multipliés et de grands emprunts émis. Ceux-ci dans leur ensemble vont rapporter 24 milliards de francs, ce qui est peu en comparaison des 76 milliards perçus grâce aux bons du trésor. Dans tous les cas, la volonté tend au même but: tenir.
A la mobilisation, la France, qui a beaucoup misé sur sa seule artillerie légère, peut fournir, pour la campagne, 1.390 obus à chacun de ses 4.000 canons de 75, et aucune fabrication n'est envisagée, ni prévue, pendant les premiers mois du conflit. Dès septembre 1914, le ministre de la guerre est informé que les munitions manquent. Sous la pression des autorités, les industriels vont, malgré un manque d'ouvriers spécialisés, d'acier, d'outillage, de poudre et d'explosifs, améliorer peu à peu ou même créer de toutes pièces un outil performant. Pour gagner du temps et par manque de marteaux-pilons le procédé de fabrication est modifié: l'obus n'est plus forgé mais fabriqué à partir d'une barre ronde tournée et forée. Tout le monde, grands et petits, se lance dans la fabrication nationale des obus. En février 1915: 2.120.000 obus de 75 sont déjà produits. Le but semble atteint, mais à cette date on signale une proportion inquiétante d'obus qui éclatent au départ du coup, provoquant la destruction du canon et souvent des servants. La production rapide d'obus mettant en péril l'existence même de l'artillerie, de sévères mesures modifiant les procédés de fabrication sont imposées, et à partir de mai 1915, la crise est enrayée. En septembre 1914, 11.000 obus de 75 sont fabriqués par jour.
En janvier 1915 46.000 en juin 1915 75.000, pour atteindre en mai 1917 261.000. La consommation d'obus ne cesse de croître: 1.980.000 obus de 75 en septembre 1915 (bataille de Champagne) 851.000 en janvier 1916, 1.530.000 en février 1916 (attaque sur Verdun), 3.750.000 en mars. La bataille s'intensifiant, les exigences du G.Q.G. vont s'élever à 150.000 obus de 75 par jour, puis 160.000 et enfin 170.000.
Pour les obus de gros calibre, il fallut tout organiser et surtout innover dans les procédés de fabrication. A partir d'une production insignifiante en 1915, la livraison des obus de calibre supérieur au 75, qui atteint difficilement le 1er juin 1915 8.000 par jour passe à 15.000 en août 1915 puis, en janvier 1916 à plus de 30.000 obus (2.500 de 105, 6.500 de 120, 8.800 de 155 et 900 de calibres supérieurs).
En janvier 1917, la production journalière va dépasser 80.000 obus.
Quant aux poudres et explosifs, qui dépendaient en 1914 pour la matière première et l'outillage presque entièrement de l'étranger et surtout de l'Allemagne, il fallut là encore s'adapter, innover et construire. L'importance et la progression des productions prouvent les capacités stupéfiantes de modernisation des industries françaises. En janvier 1915, 47 tonnes de poudre par jour sont produites; en janvier 1916, 333 tonnes, et en janvier 1917: 773 tonnes par jour.
En 1916, à Verdun, volaient les escadrilles basées surtout à Vadelaincourt et Bar-le-Duc, notamment la N.3, future escadrille des Cigognes. L'as Jean Navarre y réussit le premier doublé de la guerre en abattant deux appareils ennemis le 26 février 1916. Dans la Somme, la chasse alliée s'assura la maîtrise de l'air et permit à l'aviation d'observation de travailler de façon constante avec l'artillerie.
La chute de Fort de Vaux
7 juin 1916
Le 1e juin, les coups de bélier allemands reprennent et 3 divisions germaniques attaquent sur un front de 4 km les positions françaises, défendues seulement par 2 régiments. Les bois de la Caillette et Fumin sont très vite dépassés et le fort de Vaux encerclé. Dans le fort, la garnison, aux ordres du commandant Raynal, résiste aux lance-flammes, aux grenades, aux fumées et aux gaz, et défend âprement, barricades après barricades, les couloirs et les gaines qui convergent vers la galerie principale et les casernes. Après une résistance héroïque de plus de 6 jours, le commandant Raynal,: qui a épuisé tous ses moyens de lutte et qui a vu 6 contre-attaques françaises échouer en direction du fort, se rend au matin du 7 juin, avec sa troupe moribonde, privée entièrement d'eau depuis plus de 48 heures. La bataille incessante a un caractère d'acharnement inimaginable. L'artillerie française consomme jusqu'à 100.000 obus de 75 par jour. Sur ce terrain dévasté, de bois sans arbres, de villages rasés, l'Allemand, maître de Douaumont et de Vaux, intensifie encore son action. Car le temps presse: depuis le 4 juin, les armées russes viennent de prendre l'offensive en Galicie et de créer une brèche de a 50 km. sur le front austro-hongrois.:
A partir d'octobre 1914, la maîtrise maritime devenait vitale pour les différents belligérants, afin de pouvoir se procurer sur le marché mondial les différents produits et denrées nécessaires à l'effort de guerre. Pour la France, après la très grande désorganisation provoquée par; la mobilisation, et ensuite par la perte de la plupart des hauts fourneaux restés dans les départements envahis, la recherche de matières premières essentielles, leur acheminement et leur transformation vont devenir une des préoccupations, pour ne pas dire inquiétudes, de la commission de l'armée.
La seule production des obus, qui demandait 21.000 tonnes d'acier en janvier 1915, en réclame 63.000 tonnes en janvier 1916, et en exige 150.000 tonnes en janvier 1917. Alors que la guerre sous-marine multiplie les difficultés de transports et que des priorités particulièrement alimentaires se font sentir.
"Nous avons été obligés de diminuer la nourriture des camions pour permettre celle de la population. Le problème de l'avoine noire pour nourrir les chevaux sur le front a été une difficulté des plus aiguës. Il nous a fallu des sacrifices cruels; nous les avons faits sur l'importation des aciers".
Albert Thomas, Ministre de l'armement.
Quoi qu'il en soit les efforts et les progrès sont spectaculaires.
En décembre 1915, l'industrie française produit: 130.000 tonnes de lingots d'acier, 82.000 tonnes de lingots de fonte. En décembre 1916: 182.000 tonnes de lingots d'acier, 141.000 tonnes de fonte. Les importations connaissent le même bouleversement: 3.900 tonnes d'acier à obus pour le mois de décembre 1914, 52.500 tonnes d'acier à obus pour les mois de décembre 1915, 103.500 tonnes d'acier à obus pour le mois de décembre 1916. Pour les fontes les résultats sont encore plus spectaculaires: 58.000 tonnes pour l'année 1914, 166.000 tonnes pour l'année 1915, 574.000 tonnes pour les 11 premiers mois de 1916. Pour le cuivre, le programme d'achat, préparé dès le temps de paix, prévoyait 2.500 tonnes par mois. Or en début 1916, les nécessités s'élèvent à 30.000 tonnes par mois et le prix, qui était de 1,40 F le kg en 1914, s'élève déjà à 3,94 F le Kg en juillet 1916.
1916, les Anglais réalisent que leur insularité ne les met plus à l'abri des attaques aériennes et maritimes. Ils doivent même songer à se rationner suite à la menace sous-marine.
Ils comprennent d'autant moins cette situation qu'ils sont censés posséder la meilleure flotte du monde, mais qui pourtant ne suffit plus à garantir leur sécurité. De son côté l'amirauté allemande élabore la stratégie suivante: embuscades multiples devant les ports britanniques par le maximum de sous-marins qui torpilleront les grands bâtiments à leur sortie; reconnaissances au large par des zeppelins, démonstrations agressives par les croiseurs de bataille, qui serviront d'appât et devront attirer les forces ennemies sur les cuirassés allemands, pour destruction partielle ou totale de l'adversaire. Le 23 février, l'Empereur, séduit, donne son accord. Le 31 mai 1916: à une heure du matin, la flotte allemande quitte la rade de Shilling et se dirige plein nord. Du côté anglais, l'amiral Jellicoe, commandant en chef, informé la veille de ce mouvement, décide la sortie de la grande flotte avec un point de ralliement qui se situe à environ 200 milles à l'Est de la côte britannique. Il croit alors qu'il ne rencontrera qu'une partie de la marine ennemie. Les 2 flottes (100 navires, 900 canons du côté allemand; 150 navires, 1700 canons du côté anglais) se dirigent donc l'une vers l'autre.
Vers 14h30, l'avant-garde britannique commandée par l'amiral Beatty, découvre les premiers bâtiments allemands dirigés par l'amiral Hipper, et se rue à leur rencontre. Les escadres allemandes se sachant suivies par le gros de la flotte de l'Amiral Scheer acceptent le combat.
15h48: la canonnade commence et très vite les Allemands ont la supériorité du feu.
16 h03: le croiseur de bataille allemand "Von der Tann" fait sauter le croiseur anglais "l'Infatigable" puis endommage le navire amiral le "Lion". Plus tard c'est au tour du "Queen Mary" de sombrer. Beatty n'a plus que 4 croiseurs à peu près intacts quand enfin une escadre de Dreadnoughts anglais arrive à sa rescousse et bombarde de ses grosses pièces de 381 mm les bâtiments allemands. Le "Von der Tann" et le "Moltke" sont touchés.
16h35: arrive à son tour l'amiral Scheer avec le gros de la flotte allemande. A ce moment, les trajectoires des torpilleurs des 2 parties se fondent en une mêlée confuse. Deux torpilleurs allemands sont coulés et un destroyer anglais est réduit à l'impuissance. Devant les gros bâtiments allemands qui ignorent l'approche de l'amiral Jellicoe, Beatty feint d'échapper à la flotte allemande vers le nord afin de servir d'appât et de les amener sur les canons des escadres de Jellicoe. Abusée par la feinte anglaise, la flotte allemande reprend le combat avec Beatty, qui lui masque encore la flotte de Jellicoe. A ce moment, elle incurve son mouvement vers le Nord-est et tombe sur une autre escadre anglaise, celle de Hood.
18h15: Jellicoe, informé régulièrement par radio, arrive enfin et oppose le maximum de ses forces qui se déploient sur sa gauche. Ainsi, 2 puis 6, 9 dreadnoughts s'en prennent-ils à l'escadre allemande de l'amiral Scheer étirée très avant.
L'amiral allemand réalise brusquement qu'il a devant lui une force considérable. Sans hésiter, il décide la retraite générale. Il fait virer à 180° vers le Sud-ouest pendant la manuvre l'"Invincible" de l'amiral Hood est touché et saute.
18h45 le déploiement britannique s'achève, mais la flotte allemande disparaît à l'horizon. Jellicoe ne pense pas que celle-ci se réfugie vers la haute mer, mais plutôt vers ses ports, et il manuvre pour couper la route de Wilhelmshafen, principal port allemand. L'amiral Scheer désormais convaincu de la puissance ennemie, décide, pour couvrir sa retraite, d'immobiliser et de détourner l'ennemi du gros de la flotte allemande. Il engage 4 croiseurs de bataille et 3 flottilles de torpilleurs , qui dans une charge héroïque et désespérée, obligent l'amiral Jellicoe, toujours prudent, à rompre. Lorsque celui-ci peut reprendre sa ligne, les restes de l'escadre allemande disparaissent, protégés par des écrans de fumée. La nuit tombe l'amiral allemand avec ses unités restantes largement endommagées, est réduit à un retour hâtif vers ses bases. 6.094 Anglais dont 2 amiraux, et 2.500 Allemands ont péri. Mais surtout le mythe de l'invincibilité de la "Home Fleet" est ébranlé. Pas totalement toutefois, puisque la flotte allemande va pratiquement rester à l'abri de ses ports jusqu'à la fin du conflit, et abandonner aux sous-marins la lutte contre le commerce britannique et la marine anglaise.
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