La bataille de la Somme livrée l'été et l'automne 1916, doit son origine à la conférence interalliée qui eut lieu à Chantilly en décembre 1915.
Ce sera donc, contrairement à 1915, une offensive menée scientifiquement, et conduite grâce à une technique perfectionnée, la coopération des deux armées permettant une succession d'efforts puissants. Ainsi, les opérations britanniques seront étroitement liées aux opérations françaises. Mais un facteur va changer ces données; la durée, l'intensité et l'importance de la bataille de Verdun qui va progressivement diminuer les disponibilités françaises.
Ce sont donc les Anglais qui en deviennent les acteurs principaux. En conséquence, la bataille perd elle même de son ampleur, son front d'attaque étant réduit à 30 km au lieu de 70 km. L'offensive, prévue initialement le 29 juin sur les 2 rives de la Somme est repoussée pour cause de mauvais temps au 1er juillet. Mais très vite la grande offensive alliée de la Somme se retrouve enlisée chez les Français comme chez les Britanniques et ne prend pas la forme de la poussée massive souhaitée par Joffre. Mais celui-ci ne renonce pas: une nouvelle phase d¢ la bataille débute à la mi-juillet. Malgré ses efforts, Joffre ne parvient pas à monter une bataille d'ensemble: la lutte continue donc sous forme d'actions partielles et isolées jusqu'à fin août. Une nouvelle action générale, prévue le 1er septembre est reportée au 10, mais Joffre veut l'avancer: la Roumanie vient d'entrer en guerre et il veut montrer ainsi à l'ennemi la coordination alliée. Cette troisième phase de la bataille s'engage le 4 septembre, et va durer 3 semaines. La pluie, persistante interrompt les combats, transformant le champ de bataille en un immense bourbier. Le 15 septembre les Britanniques pour la première fois font donner leurs chars cuirassés, qui accompagnent les vagues d'assaut. Cette attaque surprend les Allemands sur un front de 9 km, mais mal utilisé, le succès ne peut être exploité convenablement. Une nouvelle bataille d'ensemble est préparée: les Britanniques attaqueront à l'Est de la route de Bapaume, appuyés par la 6e armée française. Mais une fois encore, les opérations sont trop décousues, et malgré quelques avancées, les objectifs ne sont pas atteints.
On décide d'une nouvelle attaque commune le 5 novembre. En fait la bataille de la Somme est maintenant presque terminée, et connaît ses derniers soubresauts. Mais quel est le bilan de cette très longue offensive? Quel est l'apport de cette riposte à Verdun? Reprendre l'initiative stratégique sur le front occidental et limiter puis desserrer la pression allemande en Meuse étaient ses premiers objectifs: ils ont été atteints. Rompre brusquement le système défensif ennemi et revenir à la guerre de mouvement était son véritable mobile, mais, dans les premiers jours, cet espoir s'avéra un leurre. En réalité, ce fut pendant de très longues semaines une recherche lente et méthodique de la dislocation du front ennemi, et ce sur une profondeur atteignant presque 18 km à certains endroits. Du 1er juillet au 1er novembre, la pression alliée a imposé aux Allemands, l'inverse de ce qu'ils ont pratiqué à Verdun, l'engagement successif et continu de 119 divisions, soit à peu près l'ensemble des forces qu'ils entretenaient sur le front occidental. Les pertes allemandes sont considérables: 350.000 hommes tués, disparus ou blessés, 85.000 prisonniers, une importante artillerie détruite ou enlevée de force, mais surtout ils ont abandonné presque 240 km2, soit 100 de plus de ce qu'ils ont conquis autour de Verdun. Leur usure est donc réelle, mais surtout leur système fortifié est devenu vulnérable: il a subi des dommages irréparables rapidement du fait de l'hiver. En conséquence, Hindenburg va dans quelques semaines ordonner un repli stratégique sur de nouvelles positions fortifiées, raccourcissant son front et faisant ainsi l'économie de plusieurs divisions. Les Alliés ne sortent pas indemnes du bourbier picard. Pour les seuls Français 140.000 tués, disparus et prisonniers et 210.000 blessés. Quant aux pertes de la jeune et nouvelle armée anglaise, elles sont le double des françaises. Cependant, les mois qui viennent de s'écouler ont démontré au commandement allemand le renouveau de la puissance alliée, sa volonté de vaincre et l'affirmation de sa solidarité alors que lui-même constate l'affaiblissement tant physique que moral de ses troupes.
"Arme de l'infanterie", elle cause beaucoup de pertes aux troupes françaises de 1914, alors que celles-ci montaient à l'assaut des positions ennemies.
Après la stabilisation des fronts, les mitrailleuses vont occuper une grande importance dans la défense des 1e lignes. Elles constituent, avec un faible rideau d'hommes, un barrage effectif à courte distance.
Au début des hostilités, l'armée française possédait 5.100 mitrailleuses dont 2.000 dans les corps de troupes. Les manufactures qui avaient livré 40 mitrailleuses au mois de juillet 1914, arrêtent leurs production à la mobilisation et ne la reprenne qu'en septembre. Le rendement de 5 livraisons par jour en 1914 va s'élever à 10 en avril 1915 pour arriver à 70 en décembre 1916. Les productions des manufactures de l'armée (modèle de St Étienne et modèle de Puteaux) furent largement renforcées par une mitrailleuse plus rustique brevetée dès l'avant guerre par une usine française: HOTCHKISS.
Celle-ci pouvait livrer 50 engins au cours du mois d'octobre 1914, en fabriquait 180 au mois d'août 1915 pour arriver à une production journalière de 50 engins en décembre 1916. Durant la guerre, la France en a fabriqué 93.500 de divers modèles; elle en a acheté 17.800 à l'étranger, et en a cédé 24.103 à ses alliés.
Dès 1915, les troupes allemandes reçoivent une mitrailleuse légère. En France, les services de l'artillerie adoptent rapidement un prototype, proposé à l'essai en 1910. Le 22 novembre 1915, la fabrication commence, et le 8 décembre les premières armes sont livrées aux armées. A partir de mars 1916, elles arrivent sur le front, chaque compagnie devant en recevoir 8 exemplaires. Armes fabriquées en masse grâce à des techniques révolutionnaires (tôles d'acier, rivets, soudures), elles sont assemblées par une société de cycles.
Le fusil-mitrailleur CHAUCHAT C.S.R.G, va ouvrir la voie aux productions de masse des armes automatiques de la 2 guerre mondiale. Entre 1915 et 1918, 225.000 fusils ont été fabriqués et 82.000 cédés à des troupes alliées.
Dans les Balkans, la Roumanie, impressionnée par le succès de l'offensive Broussilov, décide d'entrer en guerre aux côtés des Alliés le 28 août. Les premières offensives roumaines en Transylvanie, au nord du pays, sont victorieuses. Falkenhayn, qui vient juste de recevoir le commandement du front oriental, organise contre la Roumanie la "Straffexpedition": l'expédition punitive. Ses troupes traversent alors au nord les Alpes de Transylvanie et prennent à revers l'armée roumaine engagée en Hongrie, tandis qu'au sud, depuis la Bulgarie, les armées du général Mackensen franchissent le Danube. Les deux armées se ruent dans les plaines roumaines de Valachie et prennent Bucarest le 6 décembre. La Roumanie est envahie et mise hors de combat en une offensive-éclair de trois mois. Les Empires Centraux restent plus que jamais maîtres des Balkans et cette conquête de la Roumanie est une véritable aubaine. Ils disposent maintenant d'un grenier à blé supplémentaire qui va atténuer les effets du blocus. Ensuite, l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie profitent des champs de pétrole et de gaz roumains qui sont, à l'époque, les plus importants gisements européens que l'on puisse trouver à l'ouest de la Volga.
Sur le front russe, le départ des troupes allemandes pour Verdun favorise une grande offensive du général Broussilov en Galicie.
Du début juin à la mi-août, la 6 armée russe inflige d'abord une défaite aux Empires Centraux: la Galicie et la Bukovine sont reprises, le front austro-allemand recule de 100 km et les troupes russes font presque 400.000 prisonniers. Mais l'offensive est un demi-échec car, après leur avance, les forces impériales russes arrivent à bout de souffle au pied des Carpates et sont alors matériellement incapables de poursuivre plus en avant.
L'ambassadeur de Grande-Bretagne Sir G. Buchanan est sans doute le premier à avoir eu l'idée d'envoyer des troupes russes sur le front occidental dès la fin août 1914.
C'est Paul Doumer, futur Président de la République, en mission en Russie, qui obtient en décembre 1915 de Nicolas II la promesse de l'envoi d'un corps expéditionnaire russe en France.
Ces troupes seront à la disposition du gouvernement français et engagées en tant qu'unités constituées avec encadrement russe complété par des instructeurs français. Le 13 février 1916, la 1ère brigade russe constituée (2 régiments), quitte Moscou par le transsibérien et arrive en Mandchourie à Dairen le 28 février, d'où elle embarque pour la France sur des navires français. Le 11 avril elle débarque à Marseille où un accueil triomphal lui est réservé. Installée au camp Mirabeau puis à Mailly en Champagne, elle est instruite et équipée par l'armée française. Une seconde brigade (la 3e) débarque à Brest et une troisième (la 2e) est mise à disposition de l'armée d'Ouest à Salonique. A l'automne 1916, 745 officiers et 43.547 soldats russes sont engagés en France et Macédoine aux cotés des Alliés. Malgré les troubles de la Révolution Russe de février 1917, ces brigades feront partie de l'offensive Nivelle où elles s'illustreront par la prise de lignes ennemies et de la position fortifiée du Mont Spin aux prix de lourdes pertes.
Mais l 'indiscipline et l'insubordination s'installent dans les 2 brigades russes et l'État-major français déjà embarrassé par les contestations et les mutineries qui paralysent l'armée décide, de les isoler au camp de la Courtine près de Limoges. La 1e brigade russe s'y révolte au mois de juillet 1917.
Cette mutinerie sera combattue par la 3e brigade russe restée fidèle à l'armée française, et le camp de la Courtine investi le 16 septembre.
Finalement, le gouvernement français répartit les contingents russes en 3 catégories:
Ceux restés loyaux à l'armée française et qui acceptèrent de combattre, sans soviets et sous commandement russe, constitueront la légion russe, qui va se battre avec honneur dans les dernières batailles de 1918.
Ceux qui acceptent d'êtres travailleurs volontaires. Et enfin ceux refusant de combattre et de travailler, qui seront transportés en Afrique du Nord, avec travail imposé. Par ailleurs la brigade d'infanterie destinée par le gouvernement russe à l' armée d'Orient subit les mêmes troubles que ses consoeurs en France et finira son parcours en Tunisie avec travail imposé.
Enfin, tous les Russes seront rapatriés sur Odessa dès juillet 1919.
Joffre, persévérant, tenace, empêtré dans la maintenant très longue bataille de la Somme, veut garder l'initiative des coups de poing, comme un boxeur qui sent son adversaire fatigué et déséquilibré. Il veut aussi soulager le vieil allié russe et la toute jeune Roumanie de la pression des empires centraux. Mais où frapper? En Lorraine? L'automne est déjà là. Rassembler de nouvelles forces, regrouper de l'artillerie, préparer le "coup", demanderait beaucoup de temps et de moyens. Aussi Joffre, qui a toujours un il sur Verdun, demande-t-il, le 13 septembre, à Pétain et à Nivelle, de préparer sur la rive droite la reprise des forts de Maux et de Douaumont. Dans la nuit du 23 au 24, l'infanterie française monte en ligne, et l'assaut débute le 24 octobre à 11 heures 40, dans une atmosphère étrange: une épaisse brume impénétrable recouvre et isole la région. Très vite le RICM (Régiment d'lnfanterie Colonial du Maroc) et quelques éléments du 321e d'infanterie escaladent les pentes du fort. La veille, un "coup au but", d'un obus de 400 a déclenché un important incendie, et une grande partie de la garnison allemande a été évacuée; elle commençait à réoccuper le fort quand les troupes d'assaut surgissent du brouillard et la délogent. Par contre à droite, la 74e division (général Lardemelle) qui attaque face au fort de Vaux, du bois Fumin au fond de La Horgne, progresse peu ou avec beaucoup de difficultés devant des positions allemandes fortement occupées et quelquefois presque intactes. Le soir Joffre, rassuré et content, téléphone à Mangin depuis le poste de commandement de Nivelle et lui ordonne d'exploiter à fond le succès. "Toutes les audaces sont permises".
Le lendemain à l'aube, l'attaque reprend avec un effort principal sur le fort de Vaux, mais elle est enrayée par le feu des mitrailleuses du fort; pourtant quelques hommes parviennent au sommet. Presque encerclé, pris comme objectif par l'artillerie française, le fort, isolé, est évacué par sa garnison dans la nuit du 1er au 2 novembre et occupé par un détachement français du 298e Régiment d'infanterie dans la nuit du 2 au 3. L'enceinte fortifiée de Verdun est rétablie: le succès français est total. Outre le retentissement moral, l'ennemi a perdu 20.000 combattants, dont 6.000 prisonniers, et un important matériel retrouvé dans les deux forts. Dès son début la bataille de Verdun fut l'objet de toute une mythologie à la fois littéraire et iconographique. Des écrivains allèrent ainsi jusqu'à personnifier certains éléments du champ de bataille. Henri Bordeaux intitule, en 1916, son deuxième volume de l'histoire de la bataille de Verdun évoquant la reprise des forts de Douaumont et Vaux les 24 octobre et 2 novembre 1916 "Les captifs délivrés".
Citation: Ordre du jour du général Nivelle le 25 octobre 1916, remerciant les troupes qui ont repris le fort de Douaumont. "Officiers, sous-officiers et soldats du groupement Mangin, en quatre heures, dans un assaut magnifique, vous avez enlevé d'un seul coup, à notre puissant ennemi, tout le terrain, hérissé d'obstacles et de forteresses, du Nord-est de Verdun, qu'il avait mis huit mois à vous arracher par lambeaux, au prix d'efforts acharnés et de sacrifices considérables. Vous avez ajouté de nouvelles et éclatantes gloires à celles qui couvrent les drapeaux de Verdun. Au nom de cette armée, je vous remercie. Vous avez bien mérité de la Patrie"
Le front serbe, stable depuis la fin 1914, s'est écroulé brutalement à la fin de l'automne 1915 à la suite de l'entrée en guerre de la Bulgarie. L'armée serbe, après une tragique retraite dans des conditions épouvantables, se dirige vers l'Adriatique à travers les montagnes d'Albanie. Un corps expéditionnaire français, sous les ordres du général Sarrail est arrivé trop tard pour rétablir la situation et les restes de l'armée Serbe sont recueillis et transportés par la marine française sous les ordres de l'Amiral Guépratte. Les troupes serbes, soignées et entièrement rééquipées par la France, rejoignent l'armée d'orient du général Sarrail. Cette armée, ignorée par bon nombre d'hommes politiques français mais aussi de militaires, manque de moyens et malgré quelques résultats vers Marasti, ne peut guère étendre ses opérations vers le nord. Les troupes alliées restent dans un grand camp situé sur le territoire grec, à proximité de la ville de Salonique. La Grèce, seul pays resté neutre depuis le début de la guerre dans cette région, a un roi, Constantin 1er, qui a des sympathies personnelles pour l'Allemagne (il est le beau-frère de Guillaume II), tandis que son ancien 1er ministre Venizelos, est partisan du camp allié. En septembre 1916, Venizelos constitue un gouvernement rebelle officiellement reconnu par la France et la Grande Bretagne. La situation entre le royaume de Grèce et les Alliés ne cessant d'empirer, les Alliés font pression par la force et devancent les manoeuvres de la diplomatie allemande, visant à rallier la Grèce à sa cause. Le coup de main allié oblige le roi à composer avec eux. Le 25 novembre 1916, le gouvernement provisoire grec a déjà déclaré la guerre à l'Allemagne et à la Bulgarie.
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L'Italie, qui se déclare neutre en 1914, constituait par sa puissance et sa situation géographique un allié de choix pour les 2 camps. Mais cette neutralité n'était qu'une solution transitoire, et en 1915, l'Italie après une négociation simultanée avec les 2 camps, signe avec les Alliés le 26 avril 1915, le traité de Londres par lequel elle déclarera la guerre à l'Autriche-Hongrie dans un délai d'un mois. Mais la géographie montagneuse du front italo-autrichien fait que la guerre s'enlise dans des actions offensives sans lendemain mais très coûteuses en hommes. C'est le 27 août 1916, que l'Italie déclare à son tour la guerre à l'Allemagne.
Bien que les opérations de l'année 1916 n'aient permis à aucun des adversaires d'emporter la décision, l'espoir subsiste dans chaque camp. En effet à l'est, l'offensive Broussilov a permis aux armées russes de percer le front austro-allemand sur 80 kilomètres, tandis que dans l'autre camp on se félicite de l'invasion complète de la Roumanie.
De même sur le front d'Orient, l'armée française du général Sarrail, depuis le camp de Salonique, a repris en Serbie la ville de Monastir, mais la Turquie vient d'infliger une sévère défaite à la Grande-Bretagne en faisant capituler la garnison anglaise de Kut el-Amara. Chaque camp se réjouit donc de ses succès, alors qu'en réalité ils sont très relatifs, et conserve l'espoir de terminer le conflit à son avantage. Mais le grand espoir de cette fin d'année 1916 vient surtout du départ de Joffre. Un nouveau généralissime est nommé, dont on attend naturellement une solution rapide et énergique au conflit afin de pouvoir goûter cette paix méritée que tous désirent après trois années de guerre.
1916 est soeur de 1915: aucune solution militaire au cordite n'apparaît. De semi-échecs en demi-succès, les adversaires se trouvent de plus en plus enlisés dans la guerre mais s'accrochent toujours dans l'espoir d'une victoire qu'ils veulent décisive.
Pour cela les efforts demandés pour tenir ce dernier quart d'heure sont multiples et engagent entièrement les nations belligérantes. En 1916, l'adaptation des états à la seule et vitale nécessité de se battre est terminée.
Elle s'accompagne cependant d'une profonde modification des mentalités. La France a mûri; en particulier celle qui se bat sur le front, une maturité pas toujours mesurée avec justesse par les autorités civiles et militaires: 1917 en apportera le preuve.
Critiqué sévèrement depuis la fin 1915, la général Joffre, après les négligences et les fautes relevées après l'attaque-surprise sur Verdun, doit accepter, avec beaucoup de réticences, un contrôle parlementaire. Mais sa mauvaise volonté pour favoriser le travail des enquêteurs dans la zone des armées ne fait qu'accroître sa brouille avec les milieux politiques. A la suite des comités secrets à la chambre, de novembre et début décembre, très houleux, le Président du Conseil Briand, comprend qu'il va falloir, s'il ne veut pas être renversé à son tour, se séparer du général Joffre. Mais le prestige du vieux chef est encore immense. Comment faire pour éloigner l'ombrageux commandant sans heurter maladroitement l'opinion, tant en France qu'à l'étranger? Surtout que le Général a déjà arrêté le plan des opérations de 1917 à la suite d'une nouvelle conférence militaire interalliée réunie à son initiative à Chantilly, les 15 et 16 novembre. Briand fait nommer, début décembre, le général Joffre commandant en chef des armées françaises, mais il doit laisser à Nivelle le commandement effectif des armées du Nord et de l'Est. Briand qui vient également de remanier son cabinet, a remplacé Roques, Ministre de la Guerre, par le général Lyautey. Joffre qui s'était résigné à ne plus être qu'une sorte de conseiller technique auprès du gouvernement, s'inquiète de cette arrivée. Face à Lyautey, autoritaire, responsable, et peu enclin à partager ses pouvoirs et ses idées, Joffre préfère donner sa démission, qui sera tenue secrète. Le 27 décembre, un décret présidentiel lui confère la dignité de Maréchal de France: ce n'est pas lui qui gérera bientôt la profonde crise de lassitude, fruit de l'immense sacrifice mûri dans l'horreur et la misère de la bataille de Verdun.
Au cours de l'année 1915 apparaît sur le front toute une production d'objets fabriqués par les soldats au moyen d'outils et de matériaux de fortune. La sédentarisation en constitue le point de départ évident: à partir de l'hiver 1914, les positions qui ne varient plus favorisent une certaine régularité de vie. Les lettres de l'arrière, la lecture de quelques journaux et l'arrivée des "hommes de soupe" apportent une éphémère distraction aux soldats. Occupation des mains et de l'esprit, la fabrication d'objets répond à une nécessité utilitaire autant que distractive. Par ailleurs, les paysans formant la majeure partie des troupes, elle perpétue tout naturellement la tradition du travail hivernal. L'État-major s'alarma de toute cette activité par suite de l'imprudence de certains artisans qui n'hésitaient pas à risquer leur vie pour se procurer des matières premières. Mais sa reconnaissance implicite par l'autorité ne fut cependant jamais remise en cause. Cannes, briquets, douilles, coupe-papier et autres restent encore aujourd'hui des témoignages nombreux de cette production. Ces objets artisanaux comblaient les grands vides de la vie du front, chassaient le cafard, faisaient oublier les angoisses quotidiennes de la mort, et de l'éloignement.
Rien que pour la France, les années 1914-1915 représentent en 17 mois de combats près de 700.000 morts, soit la moitié des pertes françaises de la grande guerre. Avec la bataille de Verdun, le nombre des victimes ne cesse de s'accroître. La loi du 27 avril 1916 délivrant un diplôme de "mort pour la France" pour chaque homme tué au combat veut rappeler que le sacrifice n'a pas été vain et, le 14 juillet 1916, le discours du président Poincaré, affiché dans toutes les communes, célèbre cette loi et explique que chaque soldat mort pour la France rejoint par son sacrifice le panthéon des héros morts pour la patrie.